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5 ans de prison pour blasphème

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Un écrivain égyptien est condamné à 5 ans de prison pour avoir fait preuve de « mépris de la religion » dans l’un de ses livres, publié en 2010. L’auteur, Karem Saber, est aussi engagé politiquement et avec son « Centre pour la terre », a entraîné l’émergence de syndicats indépendants dans le monde rural après le soulèvement de 2011. Le 24 juin prochain, la sentence sera définitivement confirmée ou annulée par une autre cour – mais pour cela, il faut que l’accusé soit présent pendant le jugement – et il sera donc arrêté…

Ce lundi, une professeure du Sud rural de l’Egypte a été condamnée à six mois de prison pour la même raison, alors qu’EIPR, un centre égyptien de défense des droits de l’homme affirme qu’elle ne faisait que parler des religions du point de vue historique en classe. L’année dernière, un prédicateur islamiste extrémiste avait écopé de 5 ans pour la même raison, peine commuée en 6 mois.

D’après les statistiques tenues par EIPR, il y a eu 3 cas semblables en 2011, 12 en 2012 et 13 en 2013.

5 ans, c’est la peine maximale prévue par l’article 98 du code pénal pour mépris de la religion ou contre« toute personne tirant profit de la religion par la mise en circulation ou la réalisation d’actes partisans d’idées extrémistes – que ce soit par la parole, l’écrit ou tout autre moyen – dans le but d’inciter à la division, à l’émeute, au dénigrement ou au mépris d’une des trois religions monothéistes ainsi qu’aux différentes confessions qui s’y rapportent. Il en va de même pour l’atteinte à l’unité nationale ou à la paix sociale ».

Cet article est souvent utilisé dans des cas qui restreignent la liberté d’expression, même si la Constitution égyptienne, que ce soit celle de 2012 et de Mohamed Morsi ou celle de cette année et du régime de transition des militaires, sont censées défendre la liberté d’expression. Selon Ishaq Ibrahim, spécialisé à EIPR dans le dossier des religions, la loi comptait au départ empêcher le développement de l’extrémisme religieux.

L’écrivain Karem Saber a été condamné une première fois à cinq ans de prison par contumace en juin 2013, et le verdict a été confirmé le jeudi 5 juin dernier, par contumace aussi, l’auteur étant arrivé trop tard au goût de la cour, d’après ses dires. La plainte avait été déposée en 2011, par d’illustres inconnus de Beba «deux semaines après la visite du Centre de la terre pour les droits de l’homme à Beba, ce village du sud de l’Egypte, où ils essayaient d’expliquer aux paysans et ouvriers agricoles l’intérêt d’un syndicat indépendant, non lié au parti défunt du régime Moubarak, ni aux Frères musulmans, » d’après Karem Saber.

« Mais attention, je ne dis pas que le cas est politique. Même si on peut le voir comme ça : la plainte a été déposée en 2011 quand on a énervé des gens de ce village, il ne s’est pas passé grand-chose jusqu’en 2013 où les conservateurs du point de vue religieux se sont senti les mains libres, et le verdict a été confirmé cette année où de toute façon les peines de prison sont données plus que généreusement, » ajoute l’auteur et activiste. « Je pense que ceux qui ont déposé cette plainte contre moi ont les moyens ou sont soutenus. Il y avait vingt avocats de leur côté lors de la séance du 5 juin. Il se peut qu’ils n’aient pas apprécié nos efforts vers un syndicat indépendant. D’ailleurs on n’a pas créé de bureau à Beba : on a senti les tensions quand on y était, avec certains qui se servaient du fait que je suis chrétien pour inciter à la division interreligieuse – je ne voulais pas créer de conflit intercommunautaire donc j’ai renoncé, mais nous avons créé un centre dans un village voisin, auquel peuvent se rattacher les gens des environs.»

« L’accusation est plutôt comique : le livre incriminé, Où est Dieu, est un recueil de nouvelles qui décrit les difficultés de la vie des paysans et ouvriers en milieu rural, dans les briqueteries par exemple. Souvent les personnages se plaignent et demandent secours à Dieu. Rien de particulièrement blasphématoire, » raconte Karem Saber. « Eh bien le dossier d’accusation explique toutes ces histoires comme l’œuvre d’un hérétique – un hérétique qui mange à tous les râteliers cela dit : selon eux, dans une nouvelle, je suis soufi, dans une autre, chiite… dans une autre encore, communiste, puis athée… J’ai renoncé à trouver un sens à ces accusations ! »

L’auteur, interrogé sur ce qu’il fera le 24 juin, avoue ne pas encore savoir. « Après tout, » affirme-t-il, « la moitié de l’Egypte est sous le coup d’une condamnation et a changé de ville pour ne pas se faire arrêter, et vit ainsi dans une semi-quiétude. Évidemment mon cas a reçu plus d’attention, il est moins vraisemblable qu’il tombe facilement dans l’oubli. »


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