En Egypte, l’homosexualité n’est pas formellement interdite, mais les délits de « moeurs » sont utilisés pour la condamner pénalement, dans une société qui lui est hostile. Samedi 1er novembre, huit jeunes Egyptiens ont été condamnés à trois ans de prison, assortis de trois ans supplémentaires de contrôle judiciaire, pour avoir participé à une vidéo amateur montrant deux hommes en train de prétendre de se marier.
La vidéo postée sur Youtube avait fait beaucoup de bruit en août dernier sur les réseaux sociaux. La réaction la plus courante était l’amusement ou le choc. Les médias égyptiens, attirés par le buzz, avaient repris la nouvelle avec un ton réprobateur. D’après une enquête du centres de sondages Pew datant de 2013, seuls 3% de la population égyptienne estiment qu’il faut accepter l’homosexualité. Cette orientation sexuelle est la plupart du temps traitée en Egypte comme le résultat d’abus subis dans l’enfance. Les deux religions majoritaires du pays, l’islam et le christianisme copte, la considèrent comme une déviance. La communauté gay se fait donc toujours très discrète.
Samedi, les condamnés cachaient leur visage pour qu’on ne les reconnaisse pas.
Ils avaient tenter d’affirmer avant le procès qu’il ne s’agissait pas d’un mariage- évidemment, au regard de la loi égyptienne – mais d’une blague potache. Dans la vidéo d’une minute, on distingue vaguement deux hommes échanger des alliances sous les cris d’enthousiasme, les rires et les youyous de leurs amis. Le petit comité est sur une barque sur le Nil.
Les huit accusés ont encore la possibilité de faire appel.
Ils étaient poursuivis pour « incitation à la débauche et outrage à la morale publique » mais ils n’ont finalement été condamnés que pour « publication d’images indécentes », a indiqué une avocate de la défense, Nesrin Nabil. L’accusation de « débauche » sert à inculper les homosexuels. Le cas le plus récent concernait des Egyptiens arrêtés pour avoir, selon les autorités, organisé « une fête déviante » et pratiqué « la débauche ». Trois d’entre eux avaient écopé en avril dernier de huit années de prison.
Pour le responsable du dossier LGBT à Human Rights Watch, Graeme Reid,
« Le gouvernement égyptien, non content d’emprisonner les opposants, les étudiants et les activistes qui défendent les droits de l’homme, a également trouvé le temps de faire passer en jugement des Egyptiens qui auraient participé à un mariage homosexuel, avec une vidéo pour preuve. Cette condamnation est un nouveau signe que le nouveau gouvernement est prêt à condamner n’importe qui pour élargir sa base de soutien ».
Des analystes remarquaient récemment la vague d’arrestation d’homosexuels et de critiques des mœurs légères de la société ces derniers temps – alors que les islamistes au pouvoir pendant un an en 2012-2013 n’en avaient pas fait autant. On peut émettre l’hypothèse d’un pouvoir « plus royaliste que le roi »: persécuter les islamistes, oui, mais irriter la fibre conservatrice de la population égyptienne, sûrement pas: mieux vaut, comme sous Moubarak persécuter les homosexuels (procès du Queen Boat en 2001) et s’allier aux salafistes apolitisés (comme le parti Nour aujourd’hui).