Triste anniversaire: deux des militants du 6 avril, le mouvement d’opposition né en 2008 dans un contexte de grogne économique et politique, ont été condamnés ce 7 avril à trois ans de prison ferme. Un troisième activiste, Ahmed Douma, a reçu la même condamnation pour les mêmes « faits »: manifester sans permission.
Les deux membres du 6 avril, Mohamed Adel et Ahmed Maher, ainsi qu’Ahmed Douma, font partie de ces « jeunes de la révolution », d’abord complètement marginaux, sous Moubarak, puis glorifiés, même s’ils sont restés dans la même logique politique de manifestations et actions ponctuelles sans passer du côté des partis, puis enfin à nouveau vilipendés.
Beaucoup d’Egyptiens, inspirés par les discours médiatiques, se demandent ce que cherchent ces activistes, quelles puissances étrangères les financent…
Du côté du gouvernement, on n’a guère de sympathie non plus pour ces empêcheurs de tourner en rond. Ils n’aimaient pas la tournure que prenait la présidence de Morsi, le président issu des Frères musulmans et élu en été 2012, et ont appelé à sa démission? Qu’importe, ils n’ont eu de cesse d’appeler à s’opposer au régime militaire (même Douma, qui a flirté un temps avec le régime issu du renversement de Morsi). C’est assez pour les mettre dans le même panier que les Frères – lesquels sont considérés comme des terroristes.
Même le Ministre de la Justice transitionnelle et de la réconciliation n’a que des mots durs pour eux.
« Comment peuvent-ils se rallier aux Frères musulmans en s’opposant au régime actuel? Beaucoup de jeunes révolutionnaires se sont ralliés à Morsi au deuxième tour, et pourtant il les a déçus – et pourtant ils ne se rallient toujours pas à l’armée mais aux Frères. » Mohamed Amin al-Mahdy
« Avant, on faisait de la détention provisoire, c’est comme ça qu’on nous punissait, comme ça qu’ils pouvaient étouffer des voix dissidentes pour un moment » : Alaa Abdel Fattah, blogueur arrêté régulièrement ces dernières années, quel que soit le régime, toujours avec des charges fantaisistes, et toujours en réalité pour son activité militante.
« Des activistes d’Alexandrie ont été condamnés à deux ans, et la Cour de Cassation a maintenu le verdict. Des étudiants ont reçu des peines de prison de 1 à 5 ans, certains de 11 ou 17 ans, c’est fou. Ils mettent en prison à tout bout de champ. C’est presque une guerre contre une génération entière. »
Et si les activistes de la troisième voie, ni Frères ni armée, écopent de peines de prison, les islamistes eux ont eu ces dernières temps plusieurs cas de peines de morts collectives.
« Ces peines lourdes visent à effrayer, ou à garder loin de la sphère publique les activistes susceptibles de trop parler durant les élections à venir, présidentielles et parlementaires. Le régime tient à sa feuille de route et veut en finir. » Ahmad Saif Al Islam, avocat et défenseur des droits de l’homme, co-fondateur du centre Hisham Moubarak, centre d’avocats qui défendent les prisonniers politiques et les victimes de torture.
Le 7 avril, les trois activistes ont donc appris que leur pourvoi en appel contre la peine prononcée contre eux en décembre avait échoué.
Le jour même, quelques dizaines à peine de sympathisants, dont la femme de Douma, ont manifesté devant le palais présidentiel. Ils demandaient l’abrogation de la loi de la fin de l’année régulant les manifestations et la libération des 3 activistes.
Beaucoup avaient été arrêtés à la fin de l’année dernière au cours de la manifestation contre la nouvelle loi régulant les manifestations. Cette loi empêcherait de facto les manifestations, dans le contexte égyptien où la police sympathise peu avec la liberté d’expression, selon les détracteurs de cette loi.