Quantcast
Viewing latest article 3
Browse Latest Browse All 67

Les Palestiniens n’iront toujours pas s’installer dans le Sinaï

Le maréchal Sissi et le président Abbas ont dû démentir ce lundi 8 septembre s’être mis d’accord pour créer une petite Palestine dans le Sinaï.
C’est un cauchemar égyptien: que les Israéliens se débarrassent des Palestiniens en les relocalisant dans le Sinaï. Le scénario, qui a de quoi réjouir les adeptes des théories du complot, une denrée très répandue dans la région, s’appuie malgré tout sur quelques faits. Il y a désormais des millions de réfugiés palestiniens qu’Israël ne souhaite pas voir revenir, il y a un grignotage perpétuel des territoires palestiniens, et pour une partie de l’opinion israélienne, il n’existe de toute façon pas d’histoire ou de peuple palestiniens – alors après tout, s’ils tiennent à s’appeler Palestiniens, certes, mais pourquoi pas ailleurs, en Egypte par exemple, s’ils tiennent à ne pas se faire naturaliser dans leur pays d’exil.

Mais l’Egypte n’est pas le premier pays en nombre de réfugiés palestiniens, alors pourquoi cette peur pour le Sinaï?

D’une part, parce que le Sinaï a effectivement été pendant un certain temps sous occupation israélienne, et que le voisin peut, selon une partie de l’opinion égyptienne, légitimement être soupçonné de le compter parmi sa zone stratégique d’influence, voire d’action.

D’autre part, parce que l’Egypte a eu et a toujours un rôle important dans le destin palestinien.
Comme intermédiaire dans les négociations israélo-palestiniennes.
Comme partie prenante: si le blocus de la bande de Gaza est effectif, c’est parce que l’Egypte étrangle aussi de son côté le point de passage de Rafah. Le Caire et Tel Aviv ont la même appréhension vis-à-vis de groupes terroristes dans le Sinaï.
Historiquement l’Egypte a des souvenirs de guerre contre Israël, et a de fait administré la bande de Gaza pendant presque une dizaines d’années, jusqu’en 1967.
Et plus récemment, lorsque les Israéliens ont quitté la bande de Gaza, en 2005, des milliers voire millions de Palestiniens, selon les rapports égyptiens alarmistes de l’époque, se sont retrouvés en Egypte, d’abord à Rafah et dans le Sinaï pour saluer des membres de leur famille qu’ils n’avaient pas vu depuis bien longtemps, mais aussi plus loin, et pour acheter toutes les denrées subventionnées égyptiennes possibles et les rapporter à Gaza… A l’époque certains avaient eu très peur de les voir s’installer en Egypte. Tant pis pour la fraternité arabe.

Alors en ce contexte de cessez-le-feu et de négociations entre le Caire, Gaza et le Hamas, la Cisjordanie et le Fatah, et Tel Aviv, l’annonce d’un accord portant sur la terre du Sinaï a été surprenante mais pas inattendue. Surprenante, car parue dans certains médias israéliens – et au départ la radio de l’armée, elle se félicitait d’un accord entre Abbas – qui ne peut de toute façon, de fait pas parler au nom de Gaza- et la diplomatie égyptienne, pour donner aux Palestiniens 1600 km2 de territoire dans le Sinaï, cinq fois la taille de Gaza. L’Autorité Palestinienne – aujourd’hui dirigée par Abbas- serait en charge du territoire, qui pourrait accueillir des réfugiés palestiniens. Et en échange, Abbas renoncerait à réclamer un retour aux frontières de 1967…
Le président égyptien a évidemment démenti ces rumeurs, disant que personne n’avait le pouvoir de donner une partie de la mère patrie. Le bureau d’Abbas a nié également tout soutien à une solution qui n’est pas celle de deux Etats, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Mais l’idée est on l’a vu, un serpent de mer depuis longtemps: se débarrasser du problème palestinien sur la Jordanie et l’Egypte, pour laisser à Israël le territoire occupé de fait. C’est aussi une idée réellement promue depuis plusieurs années par un ex-conseiller et militaire israélien, du nom de Giora Eilan. Cf ses papiers (en anglais).
Et l’idée a même été largement utilisée contre l’ex-président Mohamed Morsi issu des Frères musulmans, déchu en juillet 2013. On lui reprochait, à lui et à sa Confrérie, d’être cosmopolites et de tenir davantage à la communauté musulmane qu’à la patrie égyptienne, d’être prêts à sacrifier l’intégrité du territoire national pour faire plaisir à leurs frères idéologiques du Hamas. L’accusation était un peu étrange, fondée uniquement sur des suppositions alimentées par la haine idéologique envers les Frères. D’autant que le Hamas affirme n’accepter rien moins que la libération de la Palestine, laquelle n’est pas spécialement censée se trouver dans le Sinaï. Mais on accusait aussi les Frères, lors de leur courte année au pouvoir, de vouloir vendre le fleuron de la couronne égyptienne, le Canal de Suez, au Qatar – là encore, les sources fiables sont introuvables, même si Morsi passe en ce moment en jugement pour avoir paraît-il transmis des secrets d’Etat au Qatar.


Viewing latest article 3
Browse Latest Browse All 67

Trending Articles