En Egypte, quelles que soient vos doléances, il y aura toujours quelqu’un pour vous dire que c’est pire en Irak et en Syrie, et qu’on en était à un cheveu, et qu’on devrait s’estimer heureux.
Qu’importe que les dynamiques politiques de ces pays et de l’Egypte n’aient rien à voir: pas la même complexité confessionnelle, pas d’invasion américaine, et quoi que les autorités disent, les Frères musulmans sont loin d’avoir tous sombré dans le jihad armé.
Il n’y a pas eu d’électricité pendant presque une journée entière la semaine dernière (ce qui a d’ailleurs poussé le président égyptien, fort marri, à appeler son peuple à la patience – et à limoger quelques boucs émissaires) et les coupures sont de plusieurs heures par jour, souvent au Caire, perpétuellement dans les villes de province, et il n’y a pas d’eau pendant des journées en province, et les prix ont augmenté, et les vendeurs de produits subventionnés continuent à tricher sur les prix, et le chômage ne se résorbe pas et, et… oui, mais « c’est toujours mieux que l’Irak ou la Syrie! »
L’autre réponse stéréotypée serait « c’est la faute des Frères! » : par exemple, coupures d’électricité? Avant que le président n’admette que l’Egypte a un énorme déficit énergétique et a besoin de milliards, les journaux se remplissaient d’histoires de Frères musulmans sabotant les lignes électriques…
« La Syrie et l’Irak » marchent très bien si l’on grommelle sur le traitement musclé des opposants politiques ou le manque de liberté d’expression. A défaut, on peut utiliser « mais ce sont des terroristes » ou « ils incitent au chaos » contre les opposants.
En réponse, les opposants égyptiens pro-Frères forcissent un peu le trait, en affirmant, par exemple sur cette page Facebook d’une groupe « Anti-coup »: « Quelle est la différence avec la Syrie et l’Irak? Est-ce qu’on ne tue pas dans la rue? Est-ce qu’on ne torture et ne viole pas dans nos prisons? Est-ce qu’on ne détruit pas les maisons des concitoyens, dans le Nord Sinaï? »
Quant au reste des Egyptiens, jamais avares de plaisanteries, ils s’en sont donnés à cœur joie pour moquer ou réinterpréter cette phrase omniprésente.
Dans l’image ci-dessus, un chanteur récite ses mélopées « c’est toujours mieux que la Syrie et l’Irak, c’est toujours mieux que la Syrie et l’Irak, c’est toujours mieux que la Syrie et l’Irak », quand l’un de ses auditeurs s’emporte et lui dit « mais ça fait un an et demi que tu nous dis ça! Pourquoi tu ne nous parles pas de Dubaï, du Japon et de l’Allemagne?! »

Satire: nouvelle case dans les options de relation proposées par Facebook : »c’est toujours mieux que l’Irak ou la Syrie ».
Passeport : « République de « c’est toujours mieux que la Syrie et l’Irak » arabe »