Dimanche dernier, le président par intérim Adly Mansour a signé la loi régulant les manifestations.
Les deux manifestations de ce mardi n’avaient pas été présentées à la police pour approbation, elles ont donc été dispersées, avec canon à eau, gaz lacrymogènes et dizaines d’arrestations à la clé.
Les deux manifestations ne comptaient pas plus de quelques centaines de personnes, au centre du Caire, mais elles comptaient le cœur des activistes, anti-Frères et anti-régime militaire.
« Loi qui interdit de manifester »
C’est ainsi que certains activistes ont moqueusement renommé cette loi.
La première manifestation de ce mardi critiquait justement la loi régulant les manifestations. Les organisateurs doivent en informer la police trois jours auparavant. Cela n’a rien de surprenant, mais la réputation de la police en Egypte fait que beaucoup pensent qu’aucune manifestation ne sera autorisée. Il est interdit de perturber l’ordre public, ce qui donne une bonne raison d’interdire aux manifestants d’utiliser les espaces publics, les ronds-points, de faire des sit-ins… Les mesures de rétorsion pour disperser une foule récalcitrante doivent être « proportionnées », mais la police a le droit d’en arriver aux balles réelles.
Participer à une manifestation non autorisée est passible de 10 000 à 30 000 livres égyptiennes d’amende. Manifester près de lieux de culte ou de bâtiments de l’Etat ou porter un masque ou un vêtement qui cache le visage est passible d’un an d’emprisonnement et de 30 000 à 50 000 livres d’amende.
Heba Morayef, de Human Rights Watch, rappelle que « l’article 19 rend passible de 3 à 5 ans de prison et 50 000 livres égyptiennes d’amende le fait d’essayer d’influencer le cours de la justice – ce qui pourrait se résumer à manifester en face d’un tribunal pour soutenir un accusé politique… »
Depuis la chute de Moubarak en 2011, les gouvernements successifs avaient tenté de faire voter une loi réglementant le droit de manifester et s’étaient heurtés à une levée de boucliers des organisations pro-droits civiques.
Tribunaux militaires pour les civils
La seconde manifestation de la journée a aussi été dispersée peu de temps après son début, et des dizaines de personnes ont été arrêtées. Elles protestaient contre l’inclusion dans la Constitution (dont le texte final n’a pas encore été révélé) des tribunaux militaires pour les civils. Le porte-parole de l’armée, le Colonel Ahmed Ali, rappelle qu »il s’agit de cas exceptionnels, et que le but est de protéger l’armée, pas de limiter les manifestations ou la liberté de la presse. Si des manifestants attaquent nos tanks, ils n’aiment pas notre pays et il est normal de les faire passer devant des tribunaux militaires. Si vous m’accusez de quelque chose ou que vous me manquez de respect, je ne vais pas vous faire passer devant un tribunal militaire pour autant. » Jusqu’à présent, les tribunaux militaires ont eu de quoi inquiéter puisq’uils ont été utilisés pour juger des manifestants, et des journalistes qui étaient dans des zones militaires sans le savoir ou qui démentaient la version des faits de l’armée, comme Mohamed Sabry ou Ahmed Abu Deraa dans le Sinaï.
L’assemblée constituante a déclaré qu’elle suspendait ses sessions jusqu’à ce que les manifestants arrêtés aujourd’hui soient relâchés.
Plus tôt dans la journée, la police avait annoncé qu’elle autorisait deux manifestations plus tard dans la semaine, afin de ne pas se montrer butée.